Rappel : la première phase de travail nous a menés jusqu'à la création du 17 avril dans la cour de la bibliothèque de Saint Omer, inondée de soleil et peuplée de spectateurs de 6 mois (peut-être moins) à 92 ans (peut-être plus).
Là, nous avons rencontré quelques uns de nos témoins : Jean-Claude, Michel, Gérard, Odile, Fernand. Nous avons aussi rencontré Florence à qui nous devons le recueil de témoignages.
Et cette année-là y a eu une tempête avec l’inondation et
Les voisins d’où que c’est qu’j’habitais là-bas et pis
Nos parents y’avait un ptit théâtre à la commune de Nieurlet y zont dit bon pour changer
D’idées de voir toujours cette flotte-là on va aller au théâtre y fallait faire
Attention dans la nuit y fallait savoir d’où qu’elle était la rivière pour pas
S’monter sur un tas
Parce que c’était la mer tout partout
Pis en étant au théâtre on entendait le vent monter monter y faisait du vent faisait du vent
On a été obligés de dormir au village
Chez des gens qu’on connaissait on n’a pas su revenir
Parce que y faisait des vagues et en supplément
Dans la nuit faut bien savoir où que c’est qu’elle est la bordure et tout ce qui s’en suit
Avec un peu de recul, une évidence m'est apparue : il allait falloir une autre voix que celle de Pierre pour la version scénique de notre poème "collectiviste". Certains témoignages évoquaient l'enfance d'une petite fille racontée par une femme âgée. Les femmes de la collecte n'ont pas le même rapport à leur enfance que les hommes. Les femmes n'ont pas eu la même enfance que les hommes, pendant la guerre, avant la guerre. Florence me le faisait très justement remarquer : la place des petites filles au côté des parents, dans les marais, n'était pas la même que celle des petits garçons, destinés au travail ; la destinée des petites filles, dans les marais, avant la guerre, pendant la guerre, était moins irrémédiablement déterminée.
C’est la mort Marie Grouette moi j’ai toujours dit ça à mes enfants aussi parce que en somme Marie Grouette c’est la mort si on disait y’a Marie Grouette eh ben ils auraient pas approché d’l’eau on disait attention hein j’ai vu Marie Grouette ben ils allaient pas mais elle existe pas Marie Grouette elle existe pas c’est du vent
C’est du vent
Pour le spectacle du 8 octobre, il fallait donc faire appel à une comédienne. Je voulais que Joan continue de danser dans la performance destinée à tourner dans les petites structures, dans les jardins, mais je voulais demander à une comédienne de se joindre à nous pour la forme scénique du spectacle.
Joan n'a pas désiré continuer. Je salue son travail qui constitue la base du spectacle que nous continuons de construire. Elle avait sa place parmi nous. Elle n'a pas désiré la garder, je comprends et respecte son choix.
Je salue aussi le travail d'une des deux demoiselles du Parc : Eloïse, qui a quitté les Caps et marais d'Opale.
Qu’est-ce que faisaient vos parents ?
Ouvriers
Passeurs du bac Du Dambricourt dans le temps passé il y avait le bac Dambricourt que les fermiers passaient dans le marais par bac au canal de l’Aa
Là-bas
Et ma mère était engagée par Monsieur Dambricourt pour faire le passage des gens
Et moi je suis venu au monde
Là
Tout l'enjeu de cette nouvelle phase de création était donc que Charlotte trouve sa place dans un système que nous avions déjà mis en place ensemble Pierre, Delphine, Joan, malgré son absence, et moi. Deux semaines n'étaient pas trop pour venir à bout de ce défi mais je crois que vers les derniers jours, nous sommes arrivés à ce que nous cherchions. Charlotte est là désormais, le poème collectiviste donne voix aux souvenirs des petites filles du marais. Maintenant les deux voix alternent d'abord, entrent en résonance, avant de finir par dialoguer.
En athlétisme, le témoin désigne un objet de transmission qui passe d'une main à l'autre. Pour nous, le témoin est sujet de transmission. Grâce à Delphine du Parc, nous aurons la chance d'avoir certains des témoins sur la scène pour jouer leur propre rôle. Leur prise de parole réelle intervient avant la reprise de Pierre dans son slam maraicher.
A cela s'ajouteront plus tard, des chœurs d'habitants des quartiers du Haut-Pont et de Lyzel.
Prise de parole réelle des témoins sur scène, enregistrée, rediffusée, écrite, versifiée, slamée, dialoguée, reprise en chœur : le poème collectiviste deployé dans la diversité de ces modes d'énonciation.
Mais on espère qu’une chose malgré qu’on est assez âgés
Que la profession maraîchère va continuer d’exister
Et en supplément dans la nuit il faut bien savoir où elle est la bordure
Oui mais elle existait pas
Moi je le sais de bonne part parce qu’une fois ma mère elle entendait remuer derrière là-bas
Elle croyait que c’était les oies
C’était mon frère qui était dans l’eau
Et il est arrivé trempé
Et puis il lui a dit tu sais maman
Marie-Grouette elle existe pas
J’ai tombé dans l’eau je l’ai pas vue
Donc elle existe pas
Y’avait un copain il lui a dit si té tombes dans l’eau té tapes du pied tu vas remonter
Ben il a tapé du pied
Il était dans l’eau on l’savait pas
Alors il a tapé du pied il est remonté
Il a dit y a pas de Marie-Grouette
Il l’a pas trouvée.
Retrouvons-nous donc le 8 octobre à 20 h, à Saint Omer.